SYNDICAT INTERCOMMUNAL DU BASSIN D’ARCACHON (SIBA) – Le Combat pour l’eau
Nous vous présentons un dossier sur la gestion des eaux usées du Bassin d’Arcachon. Ainsi, nous sommes allés à la rencontre de Sabine Jeandenand, Directrice Générale des Services du SIBA, au sein de l’Eau|ditorium de Biganos. Cet article est illustré par 6 épisodes vidéos réalisés dans le cadre des Grands Entretiens, la nouvelle formule de @tvcapferret .
Vidéo : Retrouvez les épisodes du Grand Entretien avec Sabine Jeandenand
Six vidéos interviews à découvrir pour tout savoir sur les missions du SIBA avec la directrice générale Sabine Jeandenand.
Introduction – Il y a 50 ans ….
Il y a encore moins de cinquante ans, dans la presqu’ile du Cap Ferret comme dans bien des endroits autour du Bassin d’Arcachon – un écrin fragile et convoité, pour atteindre des lieux improbables d’une grande beauté sauvage, seule une piste chaotique de sable permettait à des privilégiés de rejoindre une cabane nichée dans un coin secret, où il faisait bon vivre… L’eau courante se faisait rare, non par faute de ressources comme c’est de plus en plus le cas dans le monde, mais bien par manque de réseaux d’adduction. Autant dire que la collecte des eaux usées était quasi inexistante, les effluents partant bien souvent s’égayer dans la nature, parfois au travers d’un plateau bactérien dans le meilleur des cas.

Interviews par Jean-Marc DUMAS, Jean CHIGNAC et Thiéry NADÉ.

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Après 1960, Démographie et Tourisme mettent à mal la qualité des eaux du bassin
La population grandissante et se concentrant autour du Bassin d’Arcachon (200.000 à l’horizon 2040), sans oublier le tourisme d’après-guerre et les entreprises de toutes natures, industrielles, de santé, de maintenance nautique, etc., l’impact environnemental commençait à se faire sentir, plus particulièrement pour l’activité historique de conchyliculture, mais aussi pour des eaux de baignade qui fleurtaient de plus en plus avec l’interdiction parfois récurrente du plongeon rafraichissant… Le constat était amer, il fallait sauver l’ostréiculture et la pêche qui étaient en souffrance, les professionnels mais également la société civile, s’inquiétant de la qualité des eaux.
Naissance du SIBA – L’assainissement comme raison d’être
Mais parlons plus spécifiquement d’assainissement, qui fut la clé pour retrouver la sérénité dans ce lieu d’exception, au même titre que la consommation des merveilleuses huitres charnues locales au goût unique. Ce fut le début d’un projet titanesque, qui n’a qu’un seul équivalent en France, le lac d’Annecy. Pour fédérer l’ensemble des forces en présence, les 10 communes riveraines du Bassin d’Arcachon ont créé, en 1964, le Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon (SIBA), les Communes de Mios et Marcheprime rejoignant la collectivité en 2020. Le SIBA, dont le siège social se situe à Arcachon, s’est étoffé au fil du temps, multipliant les pôles de compétence désormais au nombre de 8, de l’assainissement des eaux usées, la gestion des eaux pluviales, à la lutte contre les moustiques, en passant par les risques littoraux et la promotion du Bassin d’Arcachon avec sa marque déposée autour de la symbolique de la perle. Au rythme de ses actions, le SIBA, présidé par Yves Foulon, Maire d’Arcachon et Conseiller Régional de Gironde, crée du lien entre la terre et la mer pour favoriser un partage harmonieux de l’espace et de la ressource, tout en préservant la qualité des eaux du Bassin d’Arcachon.
Rencontre avec Sabine Jeandenan, directrice générale des services du SIBA
Pour comprendre la genèse de cette réalisation d’ampleur, c’est à L’Eau|ditorium, à proximité d’une des 3 stations d’épuration du SIBA, située à Biganos, dans un magnifique espace pédagogique dédié au système de protection des eaux du Bassin, que nous avons été reçus par Sabine Jeandenand, Directrice Générale des Services. Nous avons également interrogé l’élu mais aussi utilisateur des services, Philippe de Gonneville, maire de Lège-Cap Ferret et 1er Vice-Président du SIBA.

La genèse de la création du SIBA
Fondé en 1964, le SIBA devait relever un double défi, d’une part tenir l’objectif du zéro rejets déversés dans le bassin, mais également la restitution dans le milieu naturel d’eaux traitées selon des standards très contraignants. Le préfet de Gironde de l’époque, Gabriel Delaunay, vantait ainsi le projet d’assainissement : « Il faut préserver tout, et équiper cette région, sans que la nature ne s’en aperçoive… ». Les premiers travaux commencent en 1968, la Cellulose du Pin (aujourd’hui Smurfit Kappa) et le SIBA, entreprennent la construction du collecteur sud, une canalisation de 31 km, de diamètre 1200 mm à 1S00 mm (dont un peu plus de 3 km en galerie souterraine), posé sous la dune grâce à un tunnelier, jusqu’à l’émissaire de rejet en mer, le warf de La Salie, qui connaitra plusieurs épisodes mouvementés jusqu’à la configuration actuelle. Il ne faudra pas moins de 30 ans pour mener à bien le développement du projet complet, plus de 1200 km de canalisations pour les 2 réseaux différenciés d’eaux usées et pluviales urbaines, 450 postes de refoulement, 7 bassins de sécurité (un nouveau bassin est à l’étude entre Arès et Andernos pour être en capacité de mieux absorber les volumes importants en cas d’intempéries majeures) et 5 stations d’épuration, Biganos et La Teste de Buch en 2007, 2 stations dédiées, Smurfit Kappa en 1990, et Cazaux en 1987 à laquelle la Base Aérienne 120 est connectée depuis 2022, et les stations de Marcheprime et Mios, mise en service en 1987, dont le SIBA assure l’entretien et la maitrise d’ouvrage depuis 2020.

Des stations d’épuration
Ces stations combinent un ensemble de procédés classiques de traitement primaire des effluents, avec des phases de dégrillage, de dessablage et de dégraissage. Sur les deux grosses stations de Biganos et La Teste de Buch, un prétraitement de Degrémont – le Densadeg, est effectué, grâce à un décanteur à floculation optimisée et à une recirculation externe des boues, utilisant le principe de la décantation lamellaire associée à un épaississeur intégré, suivi d’un traitement biologique qui prend le relai par biofiltration, en forçant le passage des effluents au travers d’un matériau granulaire sur lesquels sont fixés des micro-organismes épurateurs, les biophiles. Toutes les stations d’épuration, sous maitrise d’ouvrage du SIBA, sont équipées d’un traitement bactéricide, soit aux UV-C (qui par leur longueur d’ondes de 254 nanomètres, pénètrent le cœur de l’ADN des cellules et donc inactivent les micro-organismes, virus, bactéries, algues, levures, moisissures, etc.), ou sous forme de DésinFix, un procédé finlandais qui utilise un oxydant très puissant produit sur place, l’acide performique. Par ailleurs, le SIBA dispose d’Opaline par Véolia, un pilote de couplage des technologies basées sur des procédés membranaires associant l’ultrafiltration avec un adsorbant de type charbon actif, conjugué à l’action oxydante de l’ozone, pour le traitement bactéricide à haute performance des micro et macro-polluants. Sabine Jeandenand nous parle de tout cet environnement avec une passion non dissimulée, le SIBA est à la pointe de la technologie, toujours appliqué à mobiliser des filières adaptées aux rejets qui suivent l’évolution des techniques et des pratiques.

Le réseau sous haute surveillance
Et nous ne sommes pas au bout de nos découvertes, en passant dans des bureaux lumineux et spacieux, où règne une atmosphère détendue et studieuse à la fois, dans un cadre lacustre où quelques tortues se bronzent au soleil… Le SIBA opère un réseau de surveillance, REMPAR, une sorte de “vigie”, qui suit les petites évolutions en matière de conformité phytosanitaire, tout en regardant les effets cumulés d’impact d’une centaine de molécules identifiées, dont les seuils sont réglementés. Le SIBA effectue depuis 2010 des prélèvements très régulièrement, tous les mois, voire pour certains tous les 15 jours, dans les cours d’eau et sur le Bassin d’Arcachon, uniquement sur les risques phytosanitaires type pesticides, micropolluants, métaux, etc. Les résultats des analyses sont partagés avec l’Agence de l’Eau, les syndicats de la conchyliculture, ainsi que les professionnels de l’agriculture.
l’Eau|ditorium, outil pédagogique du SIBA
Consacré à présenter le SIBA ainsi que l’ensemble de ses missions, l’Eau|ditorium, est un bâtiment d’architecture moderne, comprenant une salle de projection (et accessoirement de jeux éducatifs), dans son cadre géographique et au sein-même des enjeux spécifiques au Bassin d’Arcachon, en particulier l’assainissement des eaux usées et la gestion des eaux pluviales urbaines. Nos esprits titillés par une telle scénographie, nous n’avons pu résister à nous prêter à quelques questions du jeu tant adulé par les scolaires, une joute entre plusieurs équipes sur fond musical déchainé (diabolique même, aux dires de Sabine Jeandenand !). Puis c’est un film, que nous recommandons à nos lecteurs de visionner, « l’Eau en Partage » de Patrick Glotin, film accessible sur le site du SIBA, qui reprend des extraits Super 8 d’époque, de magnifiques souvenirs d’un autre temps… Essentiellement dédié à l’accueil de groupes d’enfants (à partir de 10 personnes), c’est l’endroit idéal pour pousser, auprès des jeunes, la réflexion sur les comportements individuels, mais peut-être aussi au sein des familles et des entreprises au sujet de l’eau, et ainsi les sensibiliser sur les bonnes pratiques, grâce à des outils pédagogiques qui illustrent le message pour la protection de la collectivité. Vous l’avez compris, nous avons passé un moment passionnant et instructif, pour prendre la mesure de moyens exceptionnels qui assurent un service continu, pour le bien vivre de tous, dans un territoire d’exception, on ne le dira jamais assez…

Le SIBA : une expertise reconnue
Le SIBA emploie 76 personnes, toutes qualifiées, voire très qualifiées, ce qui en fait un acteur économique majeur sur le territoire. Comme toutes les entreprises, dans cette période post-COVID, le SIBA rencontre des difficultés pour recruter. Ne conduisant aucune recherche fondamentale, pas d’alternants ni de thésards, même si au fil du temps, le SIBA a développé une certaine expertise grâce à l’apport de jeunes post-doctorants, actuellement au nombre de 5, qui animent des pôles de recherche en lien avec la station marine d’Arcachon et l’Université de Bordeaux, notamment avec le laboratoire d’Hélène Budzinski, directrice de recherche au CNRS, une spécialiste en chimie analytique et chimie de l’environnement, médaille d’argent du CNRS en 2017, qui traque sans relâche dans les cours d’eau et les océans du monde entier, les micropolluants, pesticides, hydrocarbures, résidus de polychlorobiphényles et de dioxines, et autres composés pharmaceutiques, s’appuyant sur la spectrométrie de masse pour détecter des molécules souvent présentes à l’état de trace.
Le laboratoire du SIBA
D’ailleurs, notre conversation avec Sabine Jeandenand se poursuit dans le laboratoire du SIBA, qui permet de réaliser, en interne H24 (il faut tout de suite pouvoir faire des lectures d’analyses à 12h ou 24h), et sans être tributaire d’un labo extérieur, l’ensemble des analyses bactériologiques, notamment la mesure des germes témoins de contamination fécale, dont la présence dans l’eau témoigne de la contamination éventuelle mais également constituent un indicateur du niveau de pollution par des eaux usées et traduisent la probabilité de présence de germes pathogènes. Les bactéries recherchées en laboratoire sont notamment les Escherichia Coli, une bactérie colibacille, et les entérocoques, des pathogènes dont certaines souches sont antibiorésistantes. Ces analyses sont utilisées en auto contrôle, dans le cas du suivi de la qualité des eaux de baignade, mais également lorsqu’il y a une suspicion de pollution, en partenariat étroit avec les conchyliculteurs qui signalent des désordres éventuels. Le SIBA lance alors une campagne de prélèvements pour mieux identifier la source et ainsi comprendre l’origine des problèmes. Trône dans le laboratoire un tableau intéressant qui montre sur la période 1980 – 2022, l’évolution de la qualité des eaux de baignade des principales plages régionales, avec la disparition de la zone rouge d’interdiction de la baignade, à partir du moment où les eaux usées ont été collectées et traitées, la différence étant encore plus visible avec le plan de gestion des eaux pluviales mis en œuvre par le SIBA, privilégiant l’infiltration à la parcelle et la gestion des eaux de ruissellement.

La gestion des eaux pluviales
Un grand panneau dans la salle d’accueil de l’Eau|ditorium, « Ici commence la mer », avertissement que l’on peut trouver à côté de nombre avaloirs d’eaux pluviales, nous invite d’ailleurs à plus de responsabilité individuelle ; en particulier lorsqu’un fumeur jette son mégot par terre, il va se retrouver inévitablement dans l’écosystème fragile du Bassin, sans passer par la case traitement…

Nous terminons cette passionnante visite, par le pôle gestion des eaux pluviales, un concentré de technologie digitale, avec la télésurveillance de l’ensemble des postes de pompage des eaux pluviales, les niveaux des réservoirs et bassins et débits divers. Pour illustrer la gestion fonctionnelle de cet environnement technique pointu, démonstration nous est faite sur le site instrumenté du Lac Vert à Biganos, qui est un élément de régulation important des eaux pluviales et donc des inondations potentielles, avec une surverse qui peut être mobilisée en hiver. Les variations de niveau du lac sont à peine visibles, mais pour la gestion du SIBA, c’est important en termes de résilience, 20 cm de variation du niveau d’eau représentant 11000 m3. Nous n’avons pas vu le temps passer, il y aurait tellement à dire sur de multiples sujets, la réutilisation des eaux usées traitées, le délégataire ELOA (groupe Veolia Eau) qui assure avec succès le contrat d’exploitation du service public d’assainissement collectif depuis janvier 2021, la mission confiée au bureau d’études Ecofilae spécialiste de l’économie circulaire de l’eau, qui va aider le SIBA à réaliser une étude de potentiel territorial sur la réutilisation de l’eau, etc.


Le mot de la fin par Philippe de Gonneville
Le mot de la fin à Philippe de Gonneville : « Quand on voit les difficultés dans les intercommunalités, je rends hommage à mes prédécesseurs qui ont su se réunir autour d’une table, mettre de côté les querelles de clocher, de façon à arriver, dans une volonté partagée, à faire aboutir un tel projet d’ampleur »